Essai Expérimental de LEOPOLD / 2012 /13’/ images d’archive/ Présenté au Festival des Arts Numériques de Montréal, Canada

Capture d’écran 2015-06-02 à 16.49.36

Troydes est un projet de création qui s’inscrit dans la lignée du cinéma expérimental structurel. Il sera éprouvé lors d’une installation. En travaillant sur la détérioration d’une image numérique, nous voulons interroger les phénomènes de re-médiations, réfléchir sur la porosité entre construction et destruction, ainsi que sur notre rapport physique et psychique à l’image.

Troydes est créé à partir de deux images d’archive : le dynamitage d’un bâtiment et l’édification d’un autre. La première phase du travail consiste à monter ces images en établissant une confusion sur l’avancée de la construction et de la destruction en utilisant des procédés de montage tels que le fondu, la surimpression, l’effet de flicker… Cette première opération forme la Boucle1. Il s’agit ensuite de projeter cette Boucle1 sur un écran et de la filmer. Ce film constitue la Boucle1’ que l’on monte avec la Boucle1, obtenant ainsi ce que l’on appelle Boucle2. L’on répète, avec la Boucle2, la même opération effectuée sur la Boucle1. Ceci forme alors la Boucle3 constituée des boucles 2’ et 1. L’on aura ainsi une boucle finale : BoucleX montée avec X-1’+…+1. Par ce principe structurel nous cherchons à mettre le spectateur face au processus de l’altération de l’image. En reprenant toujours dans leur structure les images des couches précédentes, les boucles nous en montrent l’archéologie. En fait, nous proposons au-delà de la détérioration une vue en coupe verticale sur les strates horizontales de l’image. Par ce phénomène de répétition et de combinaison, nous cherchons à éprouver la résistance de l’image et du spectateur. « Éprouver » à entendre aussi bien dans le sens de « faire l’expérience » que dans celui de « mettre à mal ».

Par ailleurs, Troydes sera présenté dans un dispositif d’installation. Au cours de la projection l’écran, mobile, s’éloigne au fur et à mesure de la projection des boucles 1 à X , créant ainsi un changement d’échelle croissant des images ; mettant ainsi en interrogation le spectateur dans son rapport physique à l’image.

Troydes s’inscrit dans les problématiques actuelles de l’art vidéo quant à nos relations à l’image. En effet, le numérique et l’informatique réduisent de plus en plus sa taille modifiant ainsi notre appréhension et appropriation. Que signifie aujourd’hui recevoir sur notre portable Iphone4G les images quasi directes du séisme au Japon ? Ces petites images qui sortent de notre poche, que nous tenons près de nous et qui se répètent ne nous leurrent-elles pas quant aux pouvoirs que nous pensons avoir sur elles du fait de les posséder ? C’est cette question que nous mettons en scène par notre dispositif mouvant (qui sans cesse éloigne l’image) : il confronte le spectateur au double phénomène d’appropriation et de dépossession de l’image.

Enfin, l’image de la destruction, aussi bien celle du contenu que celle de la forme et de l’expérience nous met face au besoin d’images spectaculaires que nous avons et cultivons afin d’avoir l ‘impression de mieux maîtriser le réel. Nous tentons de recréer visuellement et empiriquement le concept freudien du fort-da : ce substitue du manque que sans cesse nous éloignons pour avoir le plaisir de le rappeler à soi dans un processus de répétitions traumatiques.

Troydes est un projet de création qui émane de notre désir de mettre en pratique les interrogations que nous portons face à la fabrication des images actuelles. Notre approche structurelle s’inspire des travaux des cinéastes expérimentaux comme Martin Arnold ou Bill Morrisson. L’un déconstruit en critiquant des séquences de films classiques hollywoodiens pour démonter les mécanismes de représentation ; l’autre travaille sur l’effacement et la disparition de l’image. Troydes est aussi un projet que nous menons parallèlement à nos sujets de recherche. Ce travail de collaboration nous permet de faire se rencontrer nos recherches respectives : l’image multimédia et le chantier comme espace-temps chaotique ouvert.